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LA CARTE ET LE TERRITOIRE

LA CARTE ET LE TERRITOIRE
De Michel Houellebecq – Editions Flammarion
Août 2010

HOUELLEBECQ par HOUELLEBECQ

Jed Martin est un artiste. Il vit seul. Au détour d’une exposition sans envergure, Olga la belle Russe, le remarque est en fait un artiste reconnu. Jed et Olga vivent une histoire d’amour simple. Jed que la photographie a rendu célèbre, se met doucement à la peinture il devient alors l’artiste le plus côté sur le marché de l’Art. Olga repart en Russie, il ne la suit pas.

Il reste plus ou moins dans le microcosme parisien médiatique et « people ». Jed y vit en spectateur et nous avec lui. Ainsi nous rencontrons Beigbeder, Teresa Cremesi, J.P. Pernaut… et Houellebecq !

Michel Houellebecq (l’auteur) ne fait pas dans la dentelle, il ne prend pas la peine d’établir des personnages codifiés pas plus qu’il ne s’embarrasse de métaphores : Tout est livré dans ce livre tel quel : les personnalités sont telles qu’elles sont, pas de jeu de piste sur les lieux, les noms ou pseudo, ni sur les « marques » ou encore les éditions… c’est du brut. Et lorsque Jed rencontre Houellebecq (le personnage du roman) en Irlande, Jed ne sait que très peu de choses de cet écrivain qu’il n’a jamais lu. L’auteur se décrit alors lui-même avec un goût prononcé pour le morbide et l’avilissement.

Du coup, le roman prend la tournure d’une pathétique jubilation de l’écrivain le plus dépressif de toute la communauté littéraire en France : Provocation ? Autodérision ? le texte devient particulièrement corrosif et drôle !
En tout état de cause c’est avec rebondissements, enquêtes et florilège de personnages divers qu’on retrouve dans « la carte et le territoire » les thèmes récurrents chers à l’auteur : La Société de consommation, un engagement philosophique contre le capitalisme, la vacuité du monde culturel, le vice du crime et de l’argent, règlement de compte avec les médias et bien sûr : l’absurdité de l’existence égale à celle de la mort.
S’agit-il d’une autofiction ? D’un écrit réaliste comme procédé littéraire ? Peut-être est-ce l’ouvrage le plus autobiographique de l’auteur Houellebecq. Nous entrons dans l’univers d’un écrivain qui tout comme son héros Jed, n’adhère pas vraiment à la vie et n’y trouve de sens que dans un égocentrisme avéré.

« La carte et le territoire » est une géographie humaine sans géométrie variable, qui n’indique aucun chemin de traverse, aucune échappatoire dans la vie que nous vivons. Les constats d’échecs ne s’accompagnent jamais de remise en cause… Un cloisonnement de regrets, un retranchement du monde. Au fond, semble nous dire Michel Houellebecq, nous mourons comme nous avons vécu. Il nous reste donc à bien mourir.

A lire ! C’est un des romans les plus forts de cette rentrée littéraire 2010 ! Les sentiments contradictoires que nous éprouvons à lire cet ouvrage contribuent au plaisir que nous y prenons. Il y a chez cet auteur une force de l’écriture unique, et une distance qui nous donne à réfléchir et aussi à rire…

Extrait : « Dix ans plus tard, considérant Houellebecq, Jed prenait conscience qu’il y avait dans son regard, à lui aussi, une passion, quelque chose d’halluciné, même. Il avait dû susciter des passions amoureuses, peut-être violentes. Oui, d’après tout ce qu’il savait des femmes, il paraissait probable que certaines d’entre elles aient pu s’éprendre de ce débris torturé qui dodelinait maintenant de la tête devant lui en dévorant des tranches de pâté de campagne, manifestement devenu indifférent à tout ce qui pouvait s’apparenter à une relation amoureuse, et vraisemblablement aussi à toute relation humaine. »