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PASSAGE DE TEMOIN

PASSAGE DE TEMOIN
Entretiens de Raymond Aubrac et Renaud Helfer-Aubrac
Sous l’égide de Benoit Hopquin,
Editions Calmann levy – Mars 2011


Aujourd’hui, les journaux, les radios, les télés… toutes les informations relatent un esprit, une idée, une philosophie : Resistance.
Il y  a eu le livre de Stéphane HESSEL : INDIGNEZ-VOUS,
Il y a la révolte du monde arabe contre ses dictatures ; les codes et les valeurs changent… et dans cette inquiétude générale revient en nos mémoires « l’esprit de resistance »

C’est l’objet du livre d’entretien de Raymond AUBRAC et de son Petit fils Renaud Helfer AUBRAC qui s’appelle : PASSAGE DE TEMOIN.  Ces entretiens sont orchestrés par Benoit Hopquin Journaliste au journal Le Monde.

Pour rappel Raymond Aubrac naît en 1914, et il est l’un des derniers grands témoins de la Résistance en France. En 1940 il s’engage avec Lucie son épouse,  dans le réseau de résistance Libération-Sud. Arrêté à deux reprises par la Gestapo, torturé  il est sauvé in extrémis par Lucie Aubrac.
Et l’un des membres du Conseil National de la Résistance.
Il est nommé par le Général de Gaule Commissaire régional de la république en 1946.

Au fil des toutes ces années son engagement n’a jamais fléchi ; Intellectuel pointu et chevronné cet homme a toujours gardé et garde encore un regard curieux sur le monde tel qu’il est en devenir.
C’est la raison pour laquelle il entretient un lien de débat et d’échange sur le monde avec l’un de ses petits-fils : Renaud Helfer-Aubrac.
Renaud Helfer-Aubrac a le parcours de son époque, études brillantes Harvard, il est conseiller à la Mairie de PARIS,  avec une différence : l’engagement : Service militaire au Kossovo, différentes missions humanitaires à son actif dont Afghanistan et dernièrement la Lybie…

Audace et Courage sont les maîtres mots, sont les attitudes, le socle sur lequel se rejoignent Raymond et Renaud.

L’objectif de ce livre est atteint. Nous sommes en présence de deux êtres absolus d’humanisme épris de justice et de liberté.
Les sujets abordés partent de l’inquiétude à l’art de vieillir, entre ces deux chapîtres : il ya les résistances ; liberté égalité solidarité, fraternité ; la bête financière ; l’Amerique ; l’intégration européenne…

Chaque sujet est posé, la problématique disséquée et débattue à 60 ans d’intervalles.
Il y a celui qui a « inventé » à un moment de l’histoire un monde d’avenir humaniste et il y a celui qui fait partie de ceux qui doivent inventer un monde en devenir.  L’intérêt de cette lecture dépasse largement l’évènement politique ou économique…
C’est l’échange de deux hommes l’un a 96 ans, l’autre 38, entre les deux l’amour le respect et une foi en l’homme.
Ce texte nous donne à comprendre les dérives de notre époque, et propose une trajectoire différente par des constats percutants.

"Il faut rêver l’avenir pour l’inventer"– RHA

DES GENS TRES BIEN


DES GENS TRES BIEN

Alexandre JARDIN
Editons Grasset -


Il y a des esprits de famille qui ne ressemblent à aucun autre. Il y a des héritages qui vous alourdissent une vie et vous perdent dans des labyrinthes…

C’est le cas d’Alexandre Jardin ;
Alexandre JARDIN, c’est cet écrivain facétieux, l’éternel adolescent amoureux, aux histoires légères « romantico-bobos » auteur de Fanfan, le Zebre – Ce même Alexandre Jardin qui publie aujourd’hui le livre irréversible : « Des gens très bien ».

Car Alexandre Jardin c’est aussi le fils du Zubial alias Pascal Jardin romancier scénariste décédé en 1980,

C’est aussi le petit-fils du Nain Jaune alias Jean Jardin ; cet intellectuel des années 30 qui a constitué un réseau solide dans le milieu politique économique et financier français.  DE ce réseau émerge une fonction qu’il occupera de 1941 à 1943 : chef de cabinet du chef du gouvernement de Vichy Pierre Laval (fusillé en 1945).

Et durant cette période, alors qu’il est en poste il y a cette date : 16 – 17 juillet 1942 la raffle du Vél'd’Hiv  -
Et Jean Jardin alias le Nain Jaune de pratiquer le restant de sa vie auprès des siens et du monde entier la politique du « on ne savait pas » - On savait juste qu’ils « étaient déportés vers l’Est » Jamais Jean Jardin ne sera inquiété sur son activité durant cette période.

Alors ce Qu’Alexandre Jardin essaie de faire dans ce livre : c’est lever le voile sur son propre sentiment de culpabilité. Il sait bien comment il a toujours évité de regarder la vérité en face, il sait très bien qu’il a lui aussi cultivé « le bénéfice du doute » au nom de l’éducation reçue à l’école de la cécité.
C’est bien de cela qu’il s’agit ; Alexandre Jardin dénonce la façon dont on lui a appris à « ne pas voir », à cultiver la légèreté par des galipettes littéraires.

Non seulement il dénonce ce dont il est convaincu : la responsabilité de Jean Jardin dans cette triste période ; même s’il n’a pas décidé la rafle il en a facilité la mise en place ; Il explique aussi pourquoi c’est maintenant qu’il peut affronter ce réel.
Pourquoi aujourd’hui parce qu’il est au fait de sa maturité d’homme et d’écrivain. Il a l’âge que son père avait à sa mort. ET que conscient de l’héritage pesant que  lui a légué son père  « polluant » son existence jusqu’à ce jour ; Il pense à l’héritage qu’il laissera à ses fils et décide de leur transmettre un regard d’homme qui a éclaircit les ombres du passé.
Il souhaite léguer de son vivant une vérité libératrice.

Alors bien sûr, on accuse Alexandre Jardin de petits arrangements avec les faits historiques. Il n’est ni historien, ni témoin et cela gêne toujours le milieu des intellectuels des spécialistes de la Shoah – critique liée à l’absence de preuves tout simplement.
Il n’y a aucun document prouvant la participation de Jean Jardin à la Rafle. Cf. S. Hessel et Paxton.

Mais c’est surtout dans le cas présent le CLAN JARDIN – il y a eu un article terrible de Gabriel Jardin dans Le Figaro fustigeant le neveu etc… - que les reproches fusent. Le clan l’a mis au ban.

Parce qu’Alexandre JARDIN, ici traite avec un sens de la formule qu’on lui connaît bien, mais dans la douleur, tout simplement d’une très sale histoire de famille pendant une très sale période de l’histoire de France.
Les chapitres sont courts, très structurés et ponctuent une vie de cécité et de quête – le livre se termine par une improbable rencontre du grand-père et de son petit-fils à âge égal ou presque…pour le coup peu convaincante.

Il faut prendre ce récit tel quel, et y réfléchir humainement parlant, non en recherche de vérité sur des faits avérés ou pas.
Car le fait avéré, c’est le poste qu’occupait Jean Jardin à cette époque, au moment de la Rafle. Le fait avéré c’est que le sujet est resté suffisamment tabou dans l’histoire de la famille Jardin pour qu’un homme de 46 ans le petit-fils ait la légitimité d’y voir plus clair…

C’est un acte de résistance et de courage pour un écrivain qui n’écrira plus jamais comme avant.
C’est là un livre irréversible.

Pour  Robert Paxton – Historien :
 «interpréter un personnage comme Jean Jardin selon une seule dimension – collaborateur convaincu ou résistant discret – me semble une déformation.
C’était un lavaliste convaincu qui aimait aider des amis ».

LES EAUX AMERES

LES EAUX AMERES
D’ARMEL JOB
Editions Robert Laffont – Février 2011


Voici une histoire d’adultère (ou pas).  
On ne le saura qu’à l’extrême fin du livre.

Esther et Bram ont repris il y a quelques années une quincaillerie dans un Bourg des Ardennes à Mormédy. Nous sommes dans les années 70. Leurs filles ont quitté la maison et leur vie est rythmée par les heures qui s’écoulent entre chaque repas et chaque promenade du dimanche aux bras l’un de l’autre dans les rues de la ville.

Esther est si belle. Les eaux de la vie sont tranquilles et ne malmènent pas l’embarcation du couple, les affaires marchent bien, tout va bien. « Oui tout va bien » pense Bram.

Pourtant ce 04 Août est pour lui comme chaque année un moment terrible, un anniversaire douloureux. Et ce dimanche 04 Août 1968 le cloue littéralement au lit. Bram ne fera pas sa fière promenade au bras d’Esther, il restera dans la nuit et l’obscurité d’un souvenir qu’il réussit à oublier les 364 autres jours de l’année.
Abraham, enfant, fut le seul rescapé d’une rafle. A ce jour c’est un homme dont la judaïté n’est qu’un très très lointain souvenir…

Le 05 Août 1968, Abraham dit  Bram, sort de son lit, retourne travailler... pense de nouveau « oui, tout va bien » alors qu’il ouvre distraitement une lettre dont il en ignore l’auteur.
 « Abraham,
Ta femme te file entre les doigts !
Tu as des yeux et tu ne vois pas.
                                                           L’unique qui ait pitié de toi. »

Quelle farce, quelle mauvaise plaisanterie ! Il froisse la missive, la jette et n’en parlera même pas à SON Esther ça la blesserait… Lors du repas suivant, dans l’heure qui suit la lettre anonyme,  les concours de circonstances donnent des raisons au mari de creuser le doute de l’adultère.

Bram, qui jouit d’une forte notoriété auprès de ses confrères commerçants Pharmacien, Epicier, Garagiste, Horloger (moments délicieux de ce livre : on dirait Pagnol dans les Ardennes) ; essaye de taire son angoisse ; il a besoin d’une intervention divine pour retrouver le socle de ses certitudes amoureuses. Il part en quête d’un rabbin de jadis qui pourrait l’éclairer sur ces craintes.
Le remède du rabbin : les eaux amères.

C’est un des épisodes les plus drôles de ce livre, proche du surréalisme… Car les eaux amères ce n’est rien, elles vont seulement lui permettent d’observer sa femme et  peut-être la regarder « vraiment » ; ce qu’il n’a pas fait depuis…. ?????

Esther, la si belle et élégante Esther n’est pas l’ignorée de cette histoire. Car les circonstances, les apparences et interprétations de ces faits et gestes alimentent chez le lecteur bien des suspicions. Et on ne saura pas avant la toute dernière page qui a envoyé cette lettre et si Esther file entre les doigts de son mari…

C’est certainement un des romans les plus tendres, les plus doux et humains qu’il nous sera donné de lire ce printemps. Des personnages hauts en couleurs, des situations tendres, de l’humour délicat et le regard du Divin qui se pose sur les hommes et les femmes d’un petit Bourg des Ardennes…

Extrait  : « On dit que les femmes juives sont plus belles que les autres. C’était, en tout cas, la réputation d’Esther, l’épouse de Bram, le propriétaire de la Quincaillereie Générale. Qu’avait-elle que les autres n’avaient pas ? Le teint sans doute, égal, doux et chaud, comme si la main d’un potier l’avait poli. Le nez peut-être ? Droit, aiguisé, il semblait donner naissance d’une unique lancée à l’arc parfait de ses sourcils sombres. Ce profil, cette carnation et bien d’autres attraits d’Esther n’avaient pas cours à Mormédy où se rencontrait pourtant la quantité de jolies femmes conforme aux statistiques. (…) Esther, elle, avait quarante ans. Elle était mère de deux adolescentes, l’une de dix-huit ans, l’autre de seize. Sa beauté n’avait donc rien à voir avec une efflorescence printanière. On n’y surprenait pas la fragilité qui suscite la cruelle impatience des instincts, mais plutôt cette sorte d’accomplissement tranquille qui appelle la contemplation. »