Nombre total de pages vues

DES GENS TRES BIEN


DES GENS TRES BIEN

Alexandre JARDIN
Editons Grasset -


Il y a des esprits de famille qui ne ressemblent à aucun autre. Il y a des héritages qui vous alourdissent une vie et vous perdent dans des labyrinthes…

C’est le cas d’Alexandre Jardin ;
Alexandre JARDIN, c’est cet écrivain facétieux, l’éternel adolescent amoureux, aux histoires légères « romantico-bobos » auteur de Fanfan, le Zebre – Ce même Alexandre Jardin qui publie aujourd’hui le livre irréversible : « Des gens très bien ».

Car Alexandre Jardin c’est aussi le fils du Zubial alias Pascal Jardin romancier scénariste décédé en 1980,

C’est aussi le petit-fils du Nain Jaune alias Jean Jardin ; cet intellectuel des années 30 qui a constitué un réseau solide dans le milieu politique économique et financier français.  DE ce réseau émerge une fonction qu’il occupera de 1941 à 1943 : chef de cabinet du chef du gouvernement de Vichy Pierre Laval (fusillé en 1945).

Et durant cette période, alors qu’il est en poste il y a cette date : 16 – 17 juillet 1942 la raffle du Vél'd’Hiv  -
Et Jean Jardin alias le Nain Jaune de pratiquer le restant de sa vie auprès des siens et du monde entier la politique du « on ne savait pas » - On savait juste qu’ils « étaient déportés vers l’Est » Jamais Jean Jardin ne sera inquiété sur son activité durant cette période.

Alors ce Qu’Alexandre Jardin essaie de faire dans ce livre : c’est lever le voile sur son propre sentiment de culpabilité. Il sait bien comment il a toujours évité de regarder la vérité en face, il sait très bien qu’il a lui aussi cultivé « le bénéfice du doute » au nom de l’éducation reçue à l’école de la cécité.
C’est bien de cela qu’il s’agit ; Alexandre Jardin dénonce la façon dont on lui a appris à « ne pas voir », à cultiver la légèreté par des galipettes littéraires.

Non seulement il dénonce ce dont il est convaincu : la responsabilité de Jean Jardin dans cette triste période ; même s’il n’a pas décidé la rafle il en a facilité la mise en place ; Il explique aussi pourquoi c’est maintenant qu’il peut affronter ce réel.
Pourquoi aujourd’hui parce qu’il est au fait de sa maturité d’homme et d’écrivain. Il a l’âge que son père avait à sa mort. ET que conscient de l’héritage pesant que  lui a légué son père  « polluant » son existence jusqu’à ce jour ; Il pense à l’héritage qu’il laissera à ses fils et décide de leur transmettre un regard d’homme qui a éclaircit les ombres du passé.
Il souhaite léguer de son vivant une vérité libératrice.

Alors bien sûr, on accuse Alexandre Jardin de petits arrangements avec les faits historiques. Il n’est ni historien, ni témoin et cela gêne toujours le milieu des intellectuels des spécialistes de la Shoah – critique liée à l’absence de preuves tout simplement.
Il n’y a aucun document prouvant la participation de Jean Jardin à la Rafle. Cf. S. Hessel et Paxton.

Mais c’est surtout dans le cas présent le CLAN JARDIN – il y a eu un article terrible de Gabriel Jardin dans Le Figaro fustigeant le neveu etc… - que les reproches fusent. Le clan l’a mis au ban.

Parce qu’Alexandre JARDIN, ici traite avec un sens de la formule qu’on lui connaît bien, mais dans la douleur, tout simplement d’une très sale histoire de famille pendant une très sale période de l’histoire de France.
Les chapitres sont courts, très structurés et ponctuent une vie de cécité et de quête – le livre se termine par une improbable rencontre du grand-père et de son petit-fils à âge égal ou presque…pour le coup peu convaincante.

Il faut prendre ce récit tel quel, et y réfléchir humainement parlant, non en recherche de vérité sur des faits avérés ou pas.
Car le fait avéré, c’est le poste qu’occupait Jean Jardin à cette époque, au moment de la Rafle. Le fait avéré c’est que le sujet est resté suffisamment tabou dans l’histoire de la famille Jardin pour qu’un homme de 46 ans le petit-fils ait la légitimité d’y voir plus clair…

C’est un acte de résistance et de courage pour un écrivain qui n’écrira plus jamais comme avant.
C’est là un livre irréversible.

Pour  Robert Paxton – Historien :
 «interpréter un personnage comme Jean Jardin selon une seule dimension – collaborateur convaincu ou résistant discret – me semble une déformation.
C’était un lavaliste convaincu qui aimait aider des amis ».