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Le cuisinier


LE CUISINIER
De Martin Suter – Editions Christian Bourgeois – 2010

Peut-on encore présenter Martin Suter auteur d’ »un ami parfait », « Small world », « Lila Lila » et encore « le dernier des Weynfeldt ».
Avec sa capacité inouïe de s’immerger dans le sujet qu’il choisi d’aborder, Martin Suter nous plonge dans les hautes sphères de la gastronomie cuisine nouvelle… Sur fonds d’immigration clandestine d’un sri lankais en suisse, et de crise financière mondiale.

Maravan est réfugié Tamoul. Il n’a pas encore son titre de séjour.  Il est « petite main » dans un grand restaurant « cuisine nouvelle » de Zurich dans lequel se retrouvent banquiers et hauts-fonctionnaires.

Au Sri Lanka, il est déjà cuisinier. Dans son nouveau pays, Maravan s’essaie chaque soir à des expériences culinaires. Il mêle le savoir ancestral de la cuisine que lui a légué sa grand-mère dans l’art de doser les épices et les parfums à une cuisine très avant-gardiste : la cuisine moléculaire.
Tel un alchimiste il compose des plats d’une saveur nouvelle, inégalée et aux conséquences aussi surprenantes qu’involontaires : sa cuisine est réellement aphrodisiaque… Ce don lui est révélé par Andréa la femme qu’il aime en secret.
Il l’invite à l’un de ses repas… et la soirée trouve son apothéose dans la sensualité de leur corps. Ce qui n’aurait jamais dû arriver !!!! Ce qui n’aurait jamais pu avoir lieu puisqu’Andréa est homosexuelle.

Ces deux égarés de Zurich s’associent pour créer une entreprise d’un genre nouveau : la cuisine érotique à domicile pour les couples en difficultés en leur proposant le « love menu ».  L’entreprise est un succès.
Si de par sa culture Andréa n’éprouve aucun scrupule ; Maravan de par la sienne en a. La réalité complexe et politique de son pays le rattrape. L’exil l’a pris en otage et la crise financière mondiale provoque des évènements que sa naïveté n’aurait pu prévoir encore moins y faire face.

Sous couvert d’une histoire à l’intrigue semi-sulfureuse, Martin Suter nous informe sur la réalité d’un pays. Ce n’est pas seulement prétexte à parler d’un pays qu’il connaît bien le Sri Lanka ; mais aussi une façon de décrypter le monde consumériste et purement matériel dans lequel nous vivons. Suter brosse des portraits vivaces et intransigeants à travers la crise : Il s’agit bien de savoir à qui nous avons à faire et qui nous appauvrit (au sens propre comme au figuré). Très surprenant néanmoins par l’humour qui se dégage de ce roman avec un bonus :
une annexe dans laquelle nous retrouvons les recettes de Maravan !

Extrait : « La plupart étaient des couples ayant dépassé la quarantaine et évoluant à des niveaux de revenus qui leur permettaient aussi bien d’avoir ce genre de problèmes que de les régler par une thérapie. Maravan découvrit tout d’un coup en profondeur une catégorie de la société avec laquelle il n’était encore jamais entré en contact, sinon à grande distance, lorsqu’il cuisinait dans l’hôtellerie de luxe au sud de l’Inde et au Sri Lanka. Il entrait dans des appartements et dans des maisons dont chaque chaise ou chaque robinet aurait pu couvrir pour plusieurs mois les besoins financiers de sa famille au pays. Il évoluait dans leurs cuisines comme un initié et se sentait pourtant comme un passager clandestin dans des vaisseaux spatiaux pilotés par des extraterrestres. »