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La mer, le matin : magistral et hypnotique


LA MER, LE MATIN
Margarett MAZANTINI
Editions Robert Laffont – Août 2012

La Lybie, il y a un an…la guerre civile.

Omar, Jamila, et Farid. Les loyalistes arrivent dans leur maison et tuent Omar qui ne voulait pas s’engager pour le Reis Kadhafi.
Jamila et son fils Farid n’ont pas d’autres choix que de s’embarquer sur une coquille de noix pour quitter clandestinement leur pays en direction de l’Italie.
C’est un mauvais matin, un mauvais pressentiment à l’embarquement accompagné de l’abandon, de l’exil du deuil… Jamila serre son enfant contre elle, le protège et laisse ses larmes se mêler à l’eau des vagues sans bruit, sans aucun bruit…

L’Italie le même matin, la plage d’en face.
« Vito regarde la mer… » Vito est le fils d’Angelina. Il est le petit-fils d’Antonio et Santa. Ils sont d’origine italienne et ont vécu une grande partie de leur vie en Lybie, du temps de la colonisation. Lorsque Kadhafi accède au pouvoir, il expulsa du pays tous les ressortissants étrangers sans exception même leurs morts. Antonio, Santa et leur fille Angelina ont dû quitter précipitamment leurs amis, les rires les plages le soleil et leur vie, ils ont débarqué en Italie dans un camps de réfugiés. C’était il y a longtemps et Vito porte en lui, l’héritage du déracinement, de la nostalgie, cette douleur de l’exil.

Nous assistons à la traversée de Jamila et Farid, et au regard de Vito sur la mer, faisant face au pays de tous les exils « Lybie ».

« Angelina lui a raconté comment on les avait chassés, le fusil sur les reins, en les poussant dans le dos. Cette vie arabe amputée, la plage des bains sulfureux, le mûrier de la Sciera Derna, l’école Rama, les amis pour la vie. Tout cela balayé en un matin de tempête. Une vie brisée en 1000 morceaux, c’est ça, l’histoire de sa mère.
Sa mère sait ce que cela veut dire, affronter la mer pour retourner d’où l’on vient ».

« Vito regarde la mer. Sa mère lui a dit un jour : « il faut que tu trouves un endroit, à l’intérieur de toi, autour de toi. Un lieu qui te corresponde. Qui te ressemble, au moins en partie ».

Avec Margarett Mazantini, nous avons l’habitude : il n’y a pas de psychologie. Juste des hommes et des femmes qui existent dans l’intensité des regards sur les êtres et les choses. C’est cet évitement qui rend l’écriture plus exigeante. Elle nous transmet dans la sobriété des actes, des espoirs de chaque être l’authenticité du tragique. Magistral et hypnotique.