CERTAINES N’AVAIENT JAMAIS VU LA
MER
De Julie Otsuka
Phébus – Août 2012
« Sur le bateau, nous nous interrogions souvent : nous
plairaient-ils ? Les aimerions-nous ? Les reconnaitrions-nous d’après
leur portrait quand nous les verrions sur le quai ? »
Dans les années 30, nombreuses jeunes filles japonaises ont
été vendues à des hommes (jeunes ou et vieux – japonais) installés aux
Etats-Unis. Ils avaient écrit, envoyé de l’argent aux familles ; ils devaient
se marier avec une fille de leur pays. Elles ont été des centaines à venir
s’installer auprès d’un époux qu’elles ne connaissaient pas si ce n’est de par
une photographie.
Elles étaient tristes, gaies, inquiètes, remplies d’espoir.
Elles avaient peur. Mais la vie les attendait après la traversée, tout allait
commencer pour elles et en premier lieu des perspectives de vie meilleure.
« Parce qu’à présent nous étions sur le bateau, le passé était
derrière nous et il n’y avait pas de retour possible ».
Elles croyaient partir se marier avec un Prince, elles en
sont devenues leurs esclaves tout comme ils l’étaient eux-mêmes des Etats-Unis.
A peine le pied à terre, devoir conjugal accompli pour la plupart brutalement
et lamentablement : elles savent
déjà qu’ « A présent tu appartiens à l’invisible ».
C’est la vie de ces femmes qui est racontées ici. La vie de
toutes ces femmes. Julie Otsuka n’emploie pas de « je » ni de
« elle », car ces deux pronoms singuliers réduiraient au silence toutes
les autres. Julie Otsuka parle avec « nous » hommage à toutes les
femmes dont sa Grand-mère a fait partie. Ce « nous » pour ces femmes
du Japon c’est le cri de leur asservissement par les hommes, leur culture, le
poids des traditions ; c’est le cri universel.
Elles travailleront dans des champs de cotons sous un soleil
de plomb, elles seront dans le ghetto des villes le quartier japonais, elles
feront les ménages chez les américains, elles tiendront les pressings…
L’Amérique les absorbe, les digère, les régurgite et les
vomis. Elles supporteront et subiront en silence ; mais libres dans leur
cœur. Puis il y aura la naissance des enfants, par eux l’intégration au peuple
américain devient possible. Si ce n’est que l’Amérique est en guerre avec le
Japon et dans son immense humanisme crée l’horreur avec un camp de déportation.
Tous les japonais de tous les états seront « parqués » jusqu’à la fin
de la guerre… A la fin de celle-ci : de ces hommes, de ces femmes ne
resteront que la honte et 25 dollars en poche.
C’est juste un récit magnifique et bouleversant par son
contenu et par son écriture.
C’est la mélopée des femmes sacrifiées. Une prière en forme d’élégie chuchotée à nos
oreilles : touchant, émouvant, bouleversant : lyrique et
poétique : oui, Magnifique !