LES DESORIENTES
De Amin MAALOUF
Editions Grasset –
Aout 2012
« Je porte dans mon prénom l’humanité naissante, mais j’appartiens
à une humanité qui s’éteint, notera Adam dans son carnet deux jours avant le
drame ».
Adam a 47 ans et c’est le narrateur. De nos jours à Paris,
un coup de téléphone dans le cœur sombre de la nuit : « L’épouse de Mourad avait
sur trouver les mots imparables : ton ami va mourir, il demande à te
voir ».
Le Liban, il y a presque 30 ans : Le groupe des Byzantins
ressurgit par delà les années dans les souvenirs d’Adam : Mourad, Tania, Naïm, Ramzi, Ramez, la belle
Sémiramis, Albert et l’étrange Bilal. Des étudiants liés à la vie à la mort
comme on peut l’être à 20 ans.
Le Liban, ils y vivent et tous sont d’origine religieuses,
sociales, culturelles différentes. Ils se sont affrontés avec amitié et passion
sur les bancs d’un bistrot qui s’appelait « le code civil » près de
leur université. C’est là qu’ils ont rêvé d’un monde meilleur, de leur pays de
liberté.
Adam prend le premier avion et renoue avec son pays autour
d’un cercueil. Il est arrivé trop tard, mais à la demande de Tania il essaye de
réunir ses anciens amis du groupe Byzantins. Une conversation peut-elle
reprendre près de trente ans après telle qu’on l’avait laissée ?
Assurément non. C’était hier et pourtant c’était il y a des siècles.
Toutes ces guerres ont abimé son pays, et au passage, ses
amis. Certains comme Adam ont fui : France, Brésil, Etats-Unis… d’autres
sont restés, parfois ont trahi.
Bref, chacun a dû passer quelques petits arrangements avec
l’honneur et l’idéal pour faire face à la réalité et peut-être même survivre.
On se juge, on se jauge, on s’évalue, on s’aime, on se
déteste on se méfie… mais tout les pousse les uns vers les autres pour retrouver
un peu de cette joie, de cette inconscience, la fougue de leur jeunesse… Que
sont-ils devenus ?
En touche délicate, Amin Maalouf à travers Adam et ses
« frères », revient sur l’histoire de son pays. Raconté sous forme de
mi journal, mi récit : il ne cache pas qu’il a puisé dans ses souvenirs
pour en faire revivre les protagonistes.
Ce récit, c’est la lisibilité du drame du monde arabe dans
ses guerres éternelles. C’est le Liban comme on ne l’a jamais lu. Le Liban un
pays de tolérance, humaniste détourné de son destin par des minorités
haineuses. Un roman nostalgique plein de fougue et d’espoir.
Amin Maalouf occupe depuis juin 2012 le prestigieux fauteuil
laissé vacant de Levi-strauss à l’Académie française. D’origine libanaise, il
est le plus emblématique auteur de notre langue française.
Lors de son discours de réception son ami Jean-Christophe
Ruffin a su rappeler qu’Amin Maalouf a baigné très tôt dans les langues arabes
et anglaises pour devenir l’un des meilleurs ambassadeurs de la langue
française.
S’il y a un livre à dévorer cette
rentrée, c’est celui-ci !