LE SERMON SUR LA CHUTE DE ROME
De Jerôme FERRARI
Actes sud – Août 2012
Ici, il s’agit plus de la Corse que de Rome, tout comme il s’agit plus de
démiurge que de Dieu. Nous sommes notre bêtise et nos actes.
Marcel est très âgé. Il vit dans un petit village corse.
Vivre est un grand mot pour celui qui attend la mort en ressassant les regrets
de sa vie. Il aurait tant voulu ! Il
est passé à côté de tout ce qui lui tenait à cœur. Il voulait se battre pendant
la seconde guerre, il fut relégué à un poste administratif ; entrer en
résistance, la guerre prit fin ; être
Général d’Empire, il fut nommé à un poste médiocre de recenseur en un coin
reculé d’Afrique alors que l’empire s’effondre… Le veuvage et le sort l’ont
rendu plus qu’aigri.
Dans ce village, on vit au rythme d’un bistrot. En mal de
propriétaire, c’est finalement Libero enfant du pays qui reprend cette affaire
avec son meilleur ami : Mathieu qui est le petit-fils de Marcel.
C’est toute l’âme corse qui vit dans ce bistrot au rythme
des saisons, des chasseurs, du pastis et de l’eau de vie !
Ces deux étudiants de philosophie abandonnent leurs études
pour créer leur réalité humaniste et épouser la vie par-dessus un comptoir.
Libero veut lutter contre la bêtise, Mathieu s’y vautre lâchement.
Le temps qui passe et les rencontres changent le regard que
tout deux posent sur ce à quoi ils tiennent le plus. Ce lieu voit se dérouler
des évènements peu glorieux pour nos idéalistes… Même si comme Mathieu « il
suffit de fermer les yeux » pour que cela n’aie jamais exister,
n’existe plus.
Magnifique tableau que ce roman dans lequel l’histoire d’une
famille, d’un bar, est retracée comme celle d’une civilisation à travers la vie
de Marcel et Mathieu.
C’est le rêve de vivre au sein d’un monde de fraternité dans
un cercle très fermé (un village corse de 300 âmes) en Europe. La vie, les
êtres et les choses ne sont pas immuables et poussent ce microcosme vers le
déclin. C’est l’illustration de la chute de Rome, à laquelle répondit Saint
Augustin : « et la terre tourne encore ! ».
Le déclin comme
une réponse inéluctable aux actes des vivants.
Jérôme Ferrari enflamme cette rentrée littéraire par ce
roman inattendu. On avait oublié le « bien écrire » au service du
sens. On ne savait plus ce qu’était la littérature, on la retrouve aujourd’hui.
On lit Ferrari avec délectation et gourmandise savourant chacune de ses
virgules au cours de ses longues phrases travaillées, ciselées. Parfois
lyrique, souvent drôle, terriblement philosophique.
Un style oublié au service d’une œuvre contemporaine.
On parle de conte Philosophique… non, il s’agit bien de
LITTERATURE ;